La procédure de sauvegarde financière accélérée

La loi de régulation bancaire et financière adoptée le 11 octobre 2010 prévoit la création de la procédure de sauvegarde financière accélérée.

Cette nouvelle procédure régie par les articles L.628-1 à L.628-7 du Code de Commerce entrera en vigueur le 1er mars 2010.

Elle a pour but d’imposer la loi majoritaire aux créanciers financiers minoritaires, susceptibles de bloquer une solution de conciliation.

Cette nouvelle disposition très intéressante est la conséquence logique de la jurisprudence créée par la Tc d’Evry dans l’affaire Auto Distribution.

La procédure de Pré pack à la française est née.

Son intérêt est certain dès lors qu’elle n’est pas opposable aux créanciers non financiers et n’impactera pas la vie de l’entreprise, la préservant ainsi de ce que François Xavier Lucas a très justement baptisé d’effet toboggan. (Spirale de la chute du chiffre d’affaire)

Voir l’article de la Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 41 sous la plume de Gérard Notté.

La réforme de la procédure devant le TC

Le décret du 1er octobre 2010 n° 2010-1165 entre en vigueur le 1er décembre 2010 et se trouve applicable aux procédures en cours.

Il concerne trois aspects :

1- La conciliation

2- L’oralité des débats

3- Les pouvoirs du juge rapporteur
Même si le texte ne modifie pas fondamentalement notre pratique, il m’apparaît important de porter à votre connaissance les éléments essentiels de cette réforme

  1. La conciliation :

Le juge consulaire peut désormais renvoyer une affaire à la conciliation en nommant un tiers pour assumer cette mission.
Il ne s’agit pas de la procédure prévue au livre VI du Code de Commerce (art L 611.4 et suivants) dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises mais de la procédure des articles 127 et suivants du C.P.C.

Cette procédure relève de la compétence du Tribunal ou du juge rapporteur et non de la juridiction du Président.

Il n’est donc pas nécessairement tenu compte de la situation financière de l’entreprise et d’un éventuel état de cessation des paiements pour concilier les parties dans le cadre d’un contentieux.

Si le juge consulaire peut désormais déléguer sa mission à un conciliateur de justice, il sera bien avisé de s’en charger lui-même ou d’en charger l’un de ses collègues.

L’article 21 du CPC confère au juge (et donc aussi au juge consulaire) une mission de conciliation.

Le commentateur de la Semaine Juridique relève :

« Il n’est cependant pas certain que les conciliateurs de justice, habitués à régler les petits litiges civils, soient les mieux placés pour exercer cette fonction dans les contentieux commerciaux. Les juges consulaires élus par les commerçants ont une légitimité bien supérieure pour cette tâche. »

Attention : le juge qui aura tenté de concilier les parties ne pourra en cas d’échec participer à une décision judiciaire.

L’article 12-3 du CPC précise désormais

« Les constatations du conciliateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties ni, en tout état de cause, dans une autre instance. »

Plusieurs Tribunaux ont donc désigné un juge plus particulièrement chargé de mener les conciliations.

Le procès verbal de conciliation dressé par le juge vaut jugement.

Un extrait peut en être délivré qui vaut titre exécutoire.

Le conciliateur ou le juge disposent des pouvoirs les plus larges pour exercer leur mission. Ils ne sont pas tenus au devoir de neutralité et peuvent entendre les personnes ou se déplacer.

  1. L’oralité des débats :

Les parties doivent comparaître en personne ou représentées lors de la première audience.

Le juge peut les dispenser de le faire par la suite.

Il peut organiser les échanges nécessaires à la mise en état de l’affaire en fixant des délais pour la communication des écritures sans que les parties aient à comparaître.

Il peut prévoir avec l’accord des parties que leurs conclusions récapitulatives emporteront abandon des moyens et prétentions non repris.

Si les délais fixés ne sont pas respectés et nonobstant l’oralité des débats, le juge pourra écarter les pièces et moyens dont la communication tardive porte préjudice au contradicteur.

L’audience de plaidoirie ne « devrait » plus être retardée par des conclusions de dernière minute.

La date de communication des pièces et moyens et celle de la communication aux parties et non celle de la régularisation à la barre.

Il est désormais prévu que le défendeur qui ne conteste pas le fond de la demande mais sollicite des délais sur le fondement de l’article 1244-1 peut en faire la demande par courrier sans avoir à comparaître.

Le demandeur doit avoir eu communication des délais sollicités et des pièces produites.

Cette nouvelle possibilité doit être mentionnée sur l’assignation.

  1. Le juge rapporteur :

Le juge rapporteur intervient désormais dans le cadre des dispositions des articles nouveaux 446-2 et 446-3 du CPC.

Il peut désigner un conciliateur de justice, et statuer directement sur la mise en état.

Lorsqu’il constate l’extinction de l’instance il peut statuer sur les dépens et la demande de l’article 700 du CPC.
Conclusions :

La conciliation est souhaitée. Attention toutefois à l’exercer dans le cadre idoine.

La liberté de parole du conciliateur est incompatible avec l’impartialité du juge qui tranchera le litige. Il ne peut y avoir confusion des personnes sur une même affaire.

La mise en état peut être plus coercitive.

La présence à l’audience n’est plus la règle absolue.

Enfin, les pouvoirs du juge rapporteur sont étendus aux nouvelles dispositions ce qui le rapproche du juge de la mise en état.

La couleur de l’herbe

Un réflexe national nous incite à considérer l’herbe plus verte dans le pré d’à côté; incapables que nous sommes à voir ce qu’il y a de bon dans notre beau pays.

Que ne dit-on pas sur notre justice?

Son coût et sa lenteur rebuteraient de nombreux justiciables qui renonceraient ainsi à faire valoir leurs droits.

Si notre justice est bien imparfaite, cela ne doit pas faire oublier qu’elle est un modèle pour tant d’autres.

La « commission européenne pour l’efficacité de la justice » a rendu son rapport 2010 dont les termes sont favorables à notre pays et pour cause.

Pour diligenter des procédures à l’étranger, je puis affirmer que la justice française est généralement plus rapide et moins onéreuse.

Un exemple ?

Un Tribunal Italien s’étant déclaré incompétent au profit de la juridiction française par un jugement du 7 septembre 2008, la Cour d’Appel saisie d’un contredit a fixé sa première audience au 13 décembre 2012 soit plus de quatre ans après le jugement querellé.

Encore ne s’agit-il pas encore de traiter du fond de l’affaire mais juste de purger une exception !

Brusquement, la justice française m’apparaît particulièrement diligente.

Et encore, n’évoquerai-je pas le coût de cette procédure !!!

Les intérêts de retard

En matière de livraisons de marchandises ou de prestations de services, l’intérêt de retard est souvent sollicité au taux de l’intérêt légal à compter de la mise en demeure suivant les dispositions de l’article 1153 du Code Civil. Celui-ci est actuellement de 0,65 % par an !

L’article L.441-6 du Code de Commerce donne pourtant au créancier, un droit à recevoir un intérêt moratoire très supérieur à compter de la date d’échéance de la facture.

Ce taux est de :

3 fois l’intérêt légal si l’intérêt contractuel est inférieur, le taux de refinancement de la BCE soit 1 % + 10 % soit 11 % s’il n’a pas été prévu d’intérêt contractuel.

Ce texte est d’ordre public et il ne peut donc y être dérogé par la volonté des parties.

Un arrêt de Cassation (Ch. Com. 3 mars 2009 n°07-16.527) consacre son caractère impératif.

En matière contentieuse, après quelques atermoiements, les juridictions commerciales appliquent ce texte.

Encore faut-il le demander !

La responsabilité du dirigeant

Par son arrêt du 18 mai 2010 (n° 09-66.172) la chambre commerciale de la Cour de cassation a trouvé une nouvelle illustration au principe de la faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions de gérant.

En l’espèce, le dirigeant avait entrepris d’effectuer des prestations n’entrant pas dans l’objet social et dépourvu de couverture d’assurance (garantie décennale).

La Cour a considéré que la faute intentionnelle était caractérisée.

Rappelons que le fait d’obtenir des livraisons en trompant son cocontractant sur la solvabilité de son entreprise par une double mobilisation de créances a été considéré de même par un arrêt du 20 mai 2003.

Vers un élargissement de la compétence des TC ?

Sur la proposition du Conseil National des Greffiers, les services du garde des sceaux envisageraient l’extension des compétences des Tribunaux de Commerce :

– Aux procédures collectives de toutes les personnes morales de droit privé,
– Aux contentieux des baux commerciaux,
– Aux contentieux des artisans, (les TC connaissant déjà leurs procédures collectives)
– Aux injonctions de payer quel que soit le débiteur,
– A l’ensemble des suretés mobilières.

Cette éventualité aurait pour effet de décharger quelque peu les magistrats professionnels et les greffes civils dont ont connaît le manque de moyens criant.

Puisque les greffes des Tribunaux de Commerce fonctionnent bien et sont éminament rentables, il n’est pas stupide de s’appuyer sur leurs compétences.

Enfin, les matières concernées ne sont pas, loin s’en faut, hors du champ de compétence des juges consulaire et il y aurait une grande logique à leur confier notamment le contentieux des baux commerciaux et des artisans.

Thomson sous procédure de sauvegarde

Le Tribunal, de Commerce de Nanterre a ouvert le 30 novembre 2009 une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société THOMSON.

Cette décision est interessante à deux égards.

Tout d’abord, cette procédure illustre une pratique nouvelle de la procédure collective comme moyen de résolution des conflits avec des créanciers minoritaires.
Nous ne sommes plus dans la défaillance absolue de l’entreprise mais dans la recherche de solutions qui faute d’aboutir conduiraient immanquablement à la défaillance.
Le Prepackaged plan précédemment évoqué s’inscrit dans cette logique.
la procédure de sauvegarde est en passe de devenir un moyen pour le management et la majorité des créanciers d’imposer sa loi à la minorité.

Je ne puis également m’empêcher de constater que le fonds de commerce est le bien le plus précieux sur lequel une entreprise puisse compter. Les financiers seraient bien avisés d’en prendre conscience tant il est vrai que vidée de sa substance et quelles que soient les restrucuturations financières diligentées, une entreprise n’a pas d’avenir sans un métier.

Les cessions de branches d’activités ne doivent jamais s’exercer au détriment du coeur de métier. Qu’est devenu THOMSON ?